« Toute sa vie elle avait trimé,
Le commerce, le contact avec les gens, c’était son métier,
Elle avait aussi vécu la guerre,
Mariée, deux enfants, un modèle de mère,
Sa vie paisiblement s’est ensuite écoulée,
Les années ont passé, l’heure de la retraite avait sonné,
Fini le commerce, le contact avec les gens,
Sa vie était désormais derrière elle et non plus devant,
Et puis lentement, tout a basculé,
La chose, doucement s’est installée,
Au début, un oubli qui passe inaperçu,
On n’y prête pas attention,
On s’en amuse même, on rit de ses confusions,
Mais la chose est bien là, ancrée dans sa mémoire,
Et va tout faire pour prendre ses aises et agrandir son territoire,
Petit à petit, elle perd la notion du temps,
Sa mémoire présente s’efface, elle n’enregistre plus comme avant,
Les souvenirs anciens s’accrochent, s’efforcent de continuer à exister,
C’est à peu près tout ce qui lui reste, ce qu’elle a vécu dans le passé,
Mais la chose est vicieuse et compte bien faire fi de sa toute puissance,
Toute une vie désormais balayée, elle est revenue au temps de l’insouciance,
Elle a oublié, a perdu pied, s’est éloigné des gens qu’elle a tant aimés,
Elle est retombée en enfance, une manière de se protéger,
La chose a désormais pris les commandes,
De cet esprit, cette âme qui ne sait plus très bien comment s’y prendre,
Pour tenter de cohabiter avec cette chose qui lui a fait oublier,
Tout ce qu’elle était, sa vie, son passé,
Cette foutue maladie qui a effacé,
De sa mémoire, sa vie, à tout jamais. »
Hommage à ma grand-mère, atteinte depuis plus de dix ans de la maladie d'Alzheimer
Lucie, le 1er mars 2011